« Je ne suis pas psychologue ! »

Ecrit par Antoine BIOY le 11 décembre 2023

"Je ne suis pas psychologue"

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« Je ne suis pas psychologue ! » 

En retour d’expérience que se soit en formation ou sur le terrain, combien de fois je peux entendre cette phrase là de la part de collègues exerçant le champ médical au paramédical ! Il s'agit le plus souvent d'une réponse à une situation clinique où il y a eu des émotions présentes, des manifestations du patient qui paraissent étranges, et font craindre de la psychopathologie. Voyons un peu de quoi il retourne…
Emmanuel Soutrenon, coordinateur d’Ipnosia Paris (et psychologue!), rappelle souvent en formation un élément important : il est important de distinguer le « travailler sur » et le « travailler avec ». Partons de cela.

  • « Travailler sur » la dépression par exemple - un psycho-traumatisme également - ou encore un trouble de l'attachement… Il s’agit de centrer l’approche hypnotique pour que le trouble psychopathologique évolue, régresse, voire disparaisse. Là en effet, il est nécessaire que le thérapeute en hypnose possède à la fois des connaissances et aussi une pratique dans le champ de la psychopathologie pour pouvoir aborder ces situations cliniques et stimuler le changement. De la même façon que l'on ne s'improvise pas dentiste, kinésithérapeute ou anesthésiste, on ne s'improvise pas psychothérapeute… Et l'exercice de l'hypnose dans le cadre de troubles psychopathologiques demande évidemment de savoir « où l'on met les pieds » par nécessité de pratique, en plus des précautions déontologiques et éthiques qui participent du cadre de la rencontre. Savoir identifier et distinguer par exemple : burn out et dépression, anxiété paroxystique et phobie, dépendance et addiction, ou bien encore évaluer la dangerosité d’un trouble ou la fonction d’un symptôme, est essentiel pour garantir un cadre sécure au patient. De même pour bâtir une démarche hypnothérapeutique cohérente, pertinente, avec une vision large, souple et avertie de la situation présentée. Ces éléments ne garantissent évidemment pas que le travail que l'on va proposer sera optimal, simple et efficace immédiatement. Mais cela permet de pouvoir construire en conscience une rencontre clinique adaptée, en l’état de ses connaissances et de son expérience ; autrement dit de ne pas jouer aux apprentis sorciers au motif que l’hypnose « peut tellement »!

 

  • « Travailler avec », pour reprendre l’expression d’Emmanuel, signifie que quelle que soit notre pratique clinique, nous sommes amenés à croiser des patients dépressifs, qui ont connu des psychotraumatismes dans leur existence, ou encore qui ont un trouble de l'attachement. Et évidemment dans ces cas de figure, il faut bien pouvoir exercer son métier! On imagine mal une sage-femme refusant de faciliter un accouchement avec l’hypnose au prétexte que la patiente possède déjà des traits dépressifs ; on aurait également du mal à concevoir qu'un kinésithérapeute puisse ne pas proposer une rééducation potentialisée par l'hypnose à la suite d'un accident parce que cet évènement a pu provoquer une expérience psychotraumatique ; ou encore qu'un médecin puisse refuser l'accompagnement d'un patient douloureux chronique au motif qu'il existe un trouble de l'attachement qui pourrait parasiter la relation thérapeutique! C’est une évidence de dire que chacun doit posséder les bases de pratique de l'hypnose qui lui permettent de travailler avec ses patients, et d'avoir suffisamment de connaissances, et de sensibilité clinique, pour pouvoir adresser au bon moment les personnes qui le nécessitent vers un spécialiste du psychisme, si besoin. Ce dernier pourra alors : « travailler sur » ! Mais parfois, cela n’est pas immédiatement nécessaire ; c’est cela aussi savoir définir le bon moment, avec le patient, pour travailler ce qui pourrait l’être.

Finalement, je parle ici d’une double exigence : 

  •  à la fois ne pas rester dans une ignorance coupablec’est de la psy, je ne m’en préoccupe pas ») et potentiellement faire l'effort de se former aux bases de l’hypnose en lien avec la psychopathologie, 
  • et ne pas de refuser l'obstacle au motif que l'on n’est pas psychologue ou autre professionnel du psychisme. 

Et évidemment, la règle ultime reste de bien connaître ses limites, et dès que l'on sent que l'on est « bord cadre », de pouvoir faire ce qu'il faut, afin que la prise en charge du patient continue à être sécurisé, quitte à adresser ce dernier vers un autre praticien en complément, ou en référent unique.

Au-delà de ces situations, cette phrase « je ne suis pas psychologue » s'exprime aussi lorsque survient un comportement soutenu par une émotion intense, voire une abréaction chez les patients au cours d'une séance d'hypnose. Là aussi, ce sont les spécificités de pratique qu'il s'agit de regarder. 

Un spécialiste du psychisme sera en effet plus à l'aise pour pouvoir encadrer le moment présent et travailler avec le patient pour que ce moment ait du sens au regard de ses autres expériences de vie et de la demande thérapeutique. Pour autant, même lorsque l'on n'est pas psychologue, il est évidemment bienvenu de pouvoir aider l'expérience qui se déroule, et savoir terminer la séance de façon à ne pas heurter le patient, mais aussi d’une façon telle que cette expérience puisse lui être bénéfique. 


Il existe une technique toute simple pour cela, vous la connaissez tous, il s'agit du mouvement dissociation / réassociation. Demandez simplement aux patients de suivre le trajet de la larme sur la joue, jusqu'à percevoir le moment où cette goutte saline va simplement s'évanouir sur la peau, ou quitter son visage pour partir sur le sol. Ou bien, si il s'agit d'une abréaction, de demander au patient d'observer la liberté que reprend son corps avec ces mouvements automatiques, et la manière astucieuse qu’il se donne pour gagner en expression. Il s'agit là bien évidemment de dissociation, lorsque l’on propose cela ;

Et juste après, commence la réassociation

On propose ainsi au patient de ressentir combien cette larme disparue de la joue peut aider l'ensemble du corps à se ressentir autrement, lorsque ce qui devait disparaître a pu disparaître. D'aller voir du côté des oreilles, des yeux, de la tête, du reste de son corps, combien la disparition de la larme amène un vécu différent, plus global, dont il va certainement être possible de faire quelque chose. 

Dans le second cas figure, on peut par exemple demander au patient de considérer que ces mouvements automatiques sont comme un rythme supplémentaire, comme d'autres rythmes sont présents : la respiration, le cœur, le rythme veille / sommeil, le rythme de renouvellement des cellules… 

Et la façon dont ce rythme - son rythme - a aussi sa place dans l’ensemble du vécu de son corps… Combien ces mouvements permettent aussi de reprendre place pour simplement vivre cette expérience dans l’entièreté de la façon dont elle se déploie. Quelque soit la situation que vous rencontrez, ce duo « dissociation / réassociation » est magique pour pouvoir « travailler avec ». C’est-à-dire même en n'étant pas psychologue, de pouvoir prendre en considération toute cette dimension psychique, spirituelle, plus invisible certainement de la part humaine, et qui participe de l'expérience qui se déroule.

En résumé : connaître et savoir ressentir ses limites, avoir les bases d'une pratique qui permet de s'adapter aux mouvements psychologiques du patient (voir notamment les propositions d’ateliers Ipnosia sur le site), ne pas s’effrayer devant un mouvement qui peut paraître très intense ou dérangeant, mais qui peut facilement trouver du sens ou une place grâce à ce duo dissociation / association, sont les éléments qui permettent une pratique élégante et pertinente auprès de l'ensemble de nos patients, quel que soit le contexte, et même si vous n'êtes pas psychologue… Ce n’est pas si grave! Personne n'est parfait, et - de vous à moi - je crains que les psychologues ne le soient pas non plus…

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