Mon patient est débordé par une ou plusieurs émotions. Puis-je partir en hypnose ?

Ecrit par Equipe Ipnosia le 16 décembre 2025

Derrière cette interrogation apparemment technique se cache en réalité un enjeu fondamental : que faisons-nous de l’émotion en hypnose ? Et plus largement, quelle conception du changement thérapeutique soutient notre pratique ?

L’émotion comme obstacle… ou comme porte dentrée

Dans certaines représentations encore largement diffusées, lhypnose serait un état de calme préalable, un lâcher prise, une suspension des turbulences émotionnelles, une parenthèse de stabilité nécessaire avant tout travail en profondeur. L’émotion intense y apparaît comme un bruit parasite, un empêchement à la focalisation, un risque de débordement.

Cette vision, historiquement compréhensible, mérite aujourdhui d’être profondément réinterrogée.

Car l’émotion nest pas « un accident » du processus thérapeutique. Elle en est souvent le signal voire le moteur, le lieu même du changement en train de se chercher. Être débordé par une émotion, c’est  être pleinement engagé dans le processus thérapeutique, parfois sans encore disposer des ressources nécessaires pour lhabiter, il est vrai.

Dès lors, la vraie question nest peut-être pas : puis-je partir en hypnose malgré l’émotion ?
Mais plutôt : quelle hypnose est ajustée à cet état émotionnel précis ?

Hypnose et régulation : sortir dune vision instrumentale

Lorsque lon associe hypnose et émotion, un risque fréquent consiste à réduire lhypnose à une technique de régulation rapide : apaiser, contenir, faire redescendre. Cette approche peut être pertinente dans certains contextes - douleur aiguë, urgence médicale subjective - mais elle devient problématique lorsquelle est érigée en modèle général. Car toutes les émotions débordantes ne demandent pas à être calmées. Certaines demandent à être écoutées, différenciées, symbolisées, traversées, reconfigurées. Dans une perspective intégrative, lhypnose nest pas un outil qui sapplique contre l’émotion, ni même simplement sur l’émotion. Elle devient un cadre expérientiel dans lequel l’émotion peut changer de statut : de force envahissante à phénomène perceptible, de chaos à mouvement, de menace à information.

Ce qui compte dabord : la sécurité, pas la profondeur

La question centrale nest donc pas lintensité émotionnelle en soi, mais le niveau de sécurité ressenti du patient à cet instant précis. Un patient peut pleurer chaude larme, trembler, exprimer une colère vive, tout en restant profondément présent, orienté, en lien.
À linverse, un patient apparemment calme peut être en état de sidération, de dissociation non intégrée, ou de retrait défensif massif.

Partir en hypnose na de sens que si le cadre - relationnel, corporel, symbolique - soutient une expérience vécue comme suffisamment sûre. Cela implique une évaluation fine, souvent implicite, de plusieurs dimensions :

  • la qualité de lalliance à cet instant,
  • la capacité du patient à rester en contact avec ses perceptions,
  • la possibilité de revenir à une position « méta-expérientielle »,
  • la tolérance à lincertitude et au mouvement interne.

Dans cette optique, lhypnose nest pas un « plus » technique, mais une modalité particulière de présence partagée.

Partir avec l’émotion, pas malgré elle

Lorsquun patient est débordé, lerreur clinique serait de vouloir lemmener ailleurs trop vite : vers un lieu sûr, une image ressource, un état de calme. Ce mouvement peut être vécu comme un abandon de ce qui fait souffrance, voire comme une injonction implicite à ne pas ressentir.

À linverse, une hypnose ajustée peut commencer exactement là où le patient est : dans la densité de la poitrine, dans la chaleur de la colère, dans la confusion de la peur, dans la lourdeur de la tristesse…

Non pas pour amplifier l’émotion de manière brute, mais pour en changer la relation.
Lhypnose devient alors un art du pas de côté : permettre de sentir autrement, de percevoir les micro-variations, dintroduire du jeu là où tout semblait figé.

Cest souvent à ce moment-là que quelque chose se transforme, sans quil soit nécessaire de « faire » beaucoup.

Une hypnose de la relation avant une hypnose des états

Dans ces situations, lhypnose ne se réduit pas à une induction formelle. Elle est déjà là : dans le rythme de la voix, dans la qualité du silence, dans la manière de nommer ou de ne pas nommer, dans laccordage corporel et attentionnel.

Partir en hypnose, cest parfois simplement reconnaître que la transe est déjà en cours, mais quelle est encore désorganisée, non accompagnée, solitaire.
Le rôle du clinicien devient alors celui dun régulateur de contexte, plus que dun producteur d’états.

Cette posture suppose un renoncement à lillusion de maîtrise, mais aussi à la performance technique, et à lidée quune séance « réussie » serait nécessairement calme et fluide.

Une question éthique autant que technique

Demander si lon peut partir en hypnose avec un patient débordé émotionnellement, cest en réalité poser une question éthique : que suis-je prêt à accueillir avec lui, sans le précipiter, sans le corriger, sans l’éviter ?

Lhypnose, dans sa forme la plus mature, nest ni une fuite hors de l’émotion, ni un outil de contrôle. Elle est une écologie de lexpérience, une manière dhabiter ce qui est là, ensemble, jusqu’à ce que quelque chose trouve sa propre voie de transformation. Et parfois, cest précisément là où ça déborde que lhypnose devient la plus juste. Le repérer n’est évidemment pas chose facile. A Ipnosia, nous nous attachons à transmettre - dans la diversité des exercices professionnels - comment précisément mettre en place cette éthique spécifique qui respecte « là où cela déborde », comment maintenir la relation de sécurité, et comment aider à dépasser cela tout en maintenant un lieu authentique avec l’expérience qui se déploie. Une émotion, ça remue, mais ça repositionne aussi ! 

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